Comment devenir réalisateur ? C’est une question que se posent de nombreuses personnes souhaitant devenir metteur en scène, Jean Luc Godard y répond dans une lettre aux aspirants cinéastes.
Il y a t’il un milieu de la réalisation de la télé et du cinéma ?
« Souvent, des jeunes garçons viennent me voir. Ils veulent savoir comment faire pour devenir metteur en scène, quelle filière suivre pour entrer dans le « milieu ».
Eh bien ! justement, dans le cinéma, il n’y a pas de milieu, il n’y a que des extrêmes ; il n’y a pas de règles, il n’y a que des exceptions.
« Refusez de devenir un assistant réalisateur ! Un assistant c’est un esclave donc ne devenez pas des esclaves »
Jean Luc Godard
À ces jeunes garçons qui me supplient de les engager comme assistant pour apprendre, je dis : il n’y a rien à apprendre, ou plutôt si, mais pas comme vous croyez. Un assistant, c’est un esclave. Donc, ne devenez pas des esclaves.
Si vous voulez faire des films plus tard, faites-en donc tout de suite avec n’importe quoi, sur n’importe quel sujet, car tout ce qui est sur la terre et dans le ciel fait partie du royaume des hommes, et doit donc être filmé.
Il faut croire à chaque fois que votre film sera le plus important du cinéma !
On vous propose un documentaire sur les fourmis, sur les casseroles, sur les locomotives, ne refusez pas en disant que vous avez envie de filmer l’Iliade ou les Illusions perdues ou je ne sais quels autres grands sujets. Au contraire, acceptez, et filmez les fourmis, les casseroles, les locomotives, avec tout votre cœur, votre intelligence, toute votre ambition. Pensez que vous êtes en train de faire le film le plus important de l’histoire du cinéma.
Votre technique est certainement inférieure à celle d’un Rembrandt ou d’un Shakespeare, mais votre passion doit être égale. J’ai toujours à l’esprit à ce propos cette phrase d’Ernst Lubitsch : «Commencez par filmer des montagnes, alors vous saurez filmer des hommes». J’aurais voulu parler de tout ça avec vous, ce soir, pour vous remercier de votre invitation. Ce qui me console, de toutes façons, c’est de savoir qu’il y a toujours quelque part dans le monde, à n’importe quelle heure, quand ça s’arrête à Tokyo ça recommence à New York, à Moscou, à Paris, à Caracas ; il y a toujours, dis-je, un petit bruit monotone mais intransigeant dans sa monotonie, et ce bruit, c’est celui d’un projecteur en train de projeter un film.
Notre devoir est que ce bruit ne s’arrête jamais.
Lettre non datée initialement parue dans Documents, Jean-Luc Godard, Centre Pompidou, 2006.
Voici en partie une réponse à la question « Comment devenir réalisateur ? ».